Probabiliser ce qui est improuvable… un peu d’hygiène intellectuelle

L’existence de l’objet d’une croyance peut être improuvable. Adhérer à une telle croyance est alors un acte de foi et il n’y a rien de contestable dans cette posture.

Cependant, un minimum d’hygiène intellectuelle est souhaitable pour nous préserver des croyances en des indémontrables absurdes.

Car sous prétexte que l’existence ou l’inexistence d’un objet ne puisse être démontrée, certains en concluent qu’il y a alors une chance sur deux pour que cette chose existe.
Ce raisonnement fallacieux est en fait une tactique employée pour conférer une certaine légitimité à l’objet de conviction, insinuant ainsi qu’il n’est peut-être pas aussi aberrant qu’il n’y paraît initialement.

Pour s’en convaincre, inspirons-nous d’un raisonnement du Philosophe Bertrand Russell :

Il vous est impossible de prouver qu’une tasse en porcelaine chinoise n’orbite pas actuellement autour d’ULAS j0744+25, l’une des étoiles les plus éloignées de notre galaxie.

Certes, la première règle d’hygiène mentale consisterait à faire échoir le fardeau de la preuve à celui qui avance une telle proposition, mais faisons abstraction de cette règle pour notre démonstration.

Donc, devant cette impossibilité de prouver l’inexistence de notre tasse orbitant à 775 000 années-lumière de la terre, qui oserait soutenir qu’il y ait une chance sur deux pour que cette tasse soit réellement dans le contexte décrit ?

En pratique, même si vous ne pouvez prouver catégoriquement l’inexistence de cette tasse, vous n’accordez pas de crédit à cette hypothèse. Pour être précis, vous estimez qu’il n’y a pas une chance sur deux pour que cette tasse existe, mais une probabilité si négligeable que vous ne la considérez pas dans votre répertoire de croyances. Vous êtes en quelque sorte un « athée de la tasse », un « atasséiste ».

Et c’est là toute la problématique des croyances intangibles empiriquement : vous pouvez en concevoir une infinité, mais il vous est impossible d’en établir la probabilité ; l’hygiène intellectuelle exige alors de les considérer toutes comme (très) peu probables.

Cela ne veut pas dire qu’il faut s’interdire de chercher des preuves empiriques : vous pouvez tenter de vérifier si la tasse est là ou non, mais en attendant, la seule attitude raisonnable consiste à éviter de succomber à une croyance imméritée.

Appliquez ce raisonnement à vos croyances et celles que vous allez rencontrer, et écartez celles qui sont indignes de votre adhésion !


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